坐在椅子上的德·蓋爾芒特公爵,我望著他,欽羨過他,儘管他的年齡比我大那麽多,卻並不見他老多少,我剛弄明白這是什麽原因了。一旦他站起身來,想要站住的時候,他便顫顫巍巍,兩腿直打哆嗦,像那些老邁年高的大主教的腿腳,年輕力壯的修院修士向他們大獻殷勤時,在他們身上只有那個金屬十字架仍是牢固的。當他要往前走,走在八十四歲崎嶇難行的峰巔上,他非顫抖得像一片樹葉不可,就像踩著不斷增高的活高蹺,有時高過鐘樓,最終使他們的步履艱難而多險,並且一下子從那麽高摔落下來。我想我腳下的高蹺恐怕也已經有那麽高了,我似乎覺得自己已經沒有力氣把拉得那麽遠的過去繼續久久地連結在自己身上。如果這份力氣還讓我有足夠多的時間完成我的作品,那麽,至少我誤不了在作品中首先要描繪那些人(哪怕把他們寫得像怪物),寫出他們佔有那麽巨大的地盤,相比之下在空間中爲他們保留的位置是那麽狹隘,相反,他們卻佔有一個無限度延續的位置,因爲他們像潛入似水年華的巨人,同時觸及間隔甚遠的幾個時代,而在時代與時代之間被安置上了那麽多的日子——那就是在·時·間之中。
(p.381~382 追憶似水年華 VII 重現的時光 聯經版 1992)
I now understood why the Duc de Guermantes, whom I admired when he was seated because he had aged so little although he had so many more years under him than I, had tottered when he got up and wanted to stand erect—like those old Archbishops surrounded by acolytes, whose only solid part is their metal cross—and had moved, trembling like a leaf on the hardly approachable summit of his eighty-three years, as though men were perched upon living stilts which keep on growing, reaching the height of church-towers, until walking becomes difficult and dangerous and, at last, they fall. I was terrified that my own were already so high beneath me and I did not think I was strong enough to retain for long a past that went back so far and that I bore within me so painfully. If at least, time enough were alloted to me to accomplish my work, I would not fail to mark it with the seal of Time, the idea of which imposed itself upon me with so much force to-day, and I would therein describe men, if need be, as monsters occupying a place in Time infinitely more important than the restricted one reserved for them in space, a place, on the, contrary, prolonged immeasurably since, simultaneously touching widely separated years and the distant periods they have lived through—between which so many days have ranged themselves—they stand like giants immersed in Time.
(Translated by Stephen Hudson)
Je venais de comprendre pourquoi le duc de Guermantes, dont j’avais admiré, en le regardant assis sur une chaise, combien il avait peu vieilli bien qu’il eût tellement plus d’années que moi au-dessous de lui, dès qu’il s’était levé et avait voulu se tenir debout, avait vacillé sur des jambes flageolantes comme celles de ces vieux archevêques sur lesquels il n’y a de solide que leur croix métallique et vers lesquels s’empressent les jeunes séminaristes, et ne s’était avancé qu’en tremblant comme une feuille sur le sommet peu praticable de quatre-vingt-trois années, comme si les hommes étaient juchés sur de vivantes échasses grandissant sans cesse, parfois plus hautes que des clochers, finissant par leur rendre la marche difficile et périlleuse, et d’où tout d’un coup ils tombent. Je m’effrayais que les miennes fussent déjà si hautes sous mes pas, il ne me semblait pas que j’aurais encore la force de maintenir longtemps attaché à moi ce passé qui descendait déjà si loin, et que je portais si douloureusement en moi ! Si du moins il m’était laissé assez de temps pour accomplir mon oeuvre, je ne manquerais pas de la marquer au sceau de ce Temps dont l’idée s’imposait à moi avec tant de force aujourd’hui, et j’y décrirais les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant dans le Temps une place autrement considérable que celle si restreinte qui leur est réservée dans l’espace, une place, au contraire, prolongée sans mesure, puisqu’ils touchent simultanément, comme des géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux, si distantes – entre lesquelles tant de jours sont venus se placer – dans le Temps.
(l’édition Gallimard, Paris, 1946-47 )